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Dis, quand reviendras-tu ?

Dernière mise à jour : 11 nov. 2023

« Mon mari, c’est notre héros. Nous l’aimons, le respectons et l’admirons profondément. »


Témoignage de Linda, l’épouse du prisonnier Vicken Euljeckjian.


Vicken Euljeckjian et son épouse Linda
Vicken Euljeckjian et son épouse Linda

Vicken Euljeckjian fait partie des rares civils détenus illégalement en Azerbaïdjan à l’issue de la guerre des 44 jours en Artsakh.

Ne à Beyrouth dans une famille de survivants du génocide des Arméniens, Vicken a quitté le Liban en raison de la situation économique instable pour s’installer en Arménie en 2017.

Linda, son épouse et mère de ses deux enfants Serge (23 ans) et Christine (20 ans), témoigne depuis Beyrouth du calvaire que vit la famille depuis 2020.


Que faisait votre mari avant la guerre de 2020 ?


« Vicken tenait un café à Beyrouth les dernières années de sa présence au Liban », résume Linda.


En 2015, Vicken a décidé de s’installer en Arménie. Deux ans plus tard, après plusieurs allers-retours entre l’Arménie et le Liban, il décide de s'établir en Arménie en famille. Leur fille devant terminer ses études en 2019, Linda reste cependant au Liban avec leurs enfants dans un premier temps.


En Arménie, Vicken a commencé à travailler en tant que chauffeur de taxi, puis a décidé d'ouvrir un restaurant avec une collègue, Maral Najarian. A cause du Covid, ils ont dû fermer le restaurant et Vicken a repris son activité de chauffeur de taxi.


« La situation devenait de plus en plus précaire. A l’époque, le gouvernement d’Artsakh proposait un programme d’aide au logement à tous ceux qui souhaitaient s’installer en Artsakh. Vicken a alors réussi à obtenir un logement à Chouchi, et Maral Najarian - à Stepanakert.

Nous devions le rejoindre en septembre 2020, mais la guerre a éclaté et Vicken est parti à Erevan.

Pendant les derniers jours de la guerre, Vicken et sa collègue sont allés en Artsakh pour récupérer leurs affaires. Ils se sont d’abord rendus à Stepanakert, là où Maral vivait, puis ils se sont dirigés vers Chouchi.

Mais à peine arrivés à Chouchi, les militaires azerbaïdjanais les ont arrêtés. Et en fouillant le téléphone de mon mari, ils ont trouvé des photos de lui en tenue militaire, argument suffisant pour les capturer tous les deux », explique Linda.


Vicken Euljeckjian, un des rares civils détenus illégalement par l'Azerbaïdjan
Vicken Euljeckjian, un des rares civils détenus illégalement par l'Azerbaïdjan

Comment avez-vous appris qu’il avait été fait prisonnier ?


« Nous sommes restés sans nouvelles de lui pendant un mois. C’est à la télévision libanaise que j’ai appris que mon mari était vivant et en captivité dans la prison de Goboustan à Bakou. Après huit longs mois sans nouvelles, j’ai enfin reçu une lettre de Vicken par l’intermédiaire du Comité International de la Croix-Rouge (CICR).

Sous la torture, Maral a été contrainte de coopérer avec les autorités azerbaïdjanaises qui lui ont dicté des aveux selon lesquels Vicken aurait reçu la somme de 2500 dollars pour louer ses services de “mercenaire” pendant la guerre ».

Il convient de préciser que le mercenariat est un fait avéré concernant l’Azerbaïdjan : Bakou a en effet eu recours aux mercenaires pakistanais et syriens pendant la guerre en Artsakh en 2020. L’Arménie avait réussi à en capturer quelques-uns, qui ont été jugés par la suite pour « terrorisme ». Pour pouvoir se défendre, les Azerbaidjanais avaient donc besoin d’accuser Vicken d’être un mercenaire et la seule “preuve” qu’ils ont réussi à avoir, ce sont les “aveux” de Maral.


Plus tard, dans un rapport de la CEDH, Maral a reconnu que ses aveux lui avaient été extorqués sous la torture et que rien n’était vrai.

« Le cas de Vicken est donc très particulier parmi les cas des autres prisonniers de guerre arméniens, et plus complexe pour les avocats de la défense. Maral a pu être libérée grâce à l’intervention de l’état libanais, mais malheureusement, à cause de ses « aveux », Vicken a été condamné à 20 ans de prison » déplore son épouse.



Avez-vous la possibilité de communiquer avec lui actuellement ?


« Grâce à la Croix Rouge, tous les mois, je reçois une lettre et je peux lui parler une fois au téléphone. Lors des appels téléphoniques, Vicken tente de m’expliquer en arabe la vérité sur ses conditions de détention, mais ses surveillants l’en empêchent et lui imposent de parler en arménien pour des raisons de contrôle. Or, je ne parle pas l’arménien. Je sais qu’il est très affaibli, que les conditions de détention sont très dures.

Le seul aliment qu’on lui sert est le riz ; il a perdu plus de 15 kilos et souffre de troubles de la mémoire. Je vois son état se dégrader progressivement à cause de la malnutrition et des traitements inhumains qu’il a subis. Tout soin lui est refusé.

Je ne reconnais plus mon mari, tant son état physique et psychologique s’est détérioré ; je n’ai pas pu lui annoncer le récent décès de sa mère. Comment aurais-je pu le faire ? Il a déjà perdu son père et un de ses frères l’année dernière.


Quant à moi, je souffre de nombreux problèmes de santé : dépression, douleurs chroniques, problèmes respiratoires, complications liées aux séquelles du COVID. Je n’ai pas les moyens de payer mes soins de santé et mon état ne me permet tout simplement pas de travailler. Ma mère, aveugle, est à ma charge, et nous vivons à trois avec ma fille dans un petit appartement. »


Depuis que Linda essaie de soulever le cas de la détention de son mari Vicken Euljeckjian, elle est devenue la cible d’insultes, de moqueries, de spéculations en ligne. Une fois, un article affirmait par exemple que Vicken avait trouvé la mort en prison. Sur les réseaux sociaux les utilisateurs azéris n’arrêtent pas d'interpeller Linda, de se moquer d’elle, de lui adresser des obscénités, ou de mentir sur l’état de Vicken… Dans le cas de Vicken et de sa famille, la haine anti-arménienne s’exprime sans limite aucune.



Vicken Euljeckjian condamné à 20 ans de prison
Vicken Euljeckjian condamné à 20 ans de prison par Bakou

Comment vos enfants vivent-ils cette épreuve ?

« Ma fille Christina a quitté l’université et travaille aujourd’hui pour subvenir aux besoins de la famille. Serge, lui, vit avec sa fiancée. Il travaille comme bijoutier dans une entreprise.


Nos enfants vivent un malheur profond et sont traumatisés par les vidéos de tortures subies par leur père ; ma fille est suivie par un psychologue, mais mon fils refuse toute aide psychologique. Il veut se montrer fort et assurer le rôle de l’homme de la famille ; il refuse de se marier tant que son père croupira dans les geôles azerbaïdjanaises.


Toute la famille a promis à Vicken de se battre jusqu’à son dernier souffle pour sa libération. Nous l’aimons, nous le respectons et nous l’admirons profondément.


J’ai lancé des appels à l’aide plusieurs fois sur les réseaux sociaux ; ma fille a lancé une campagne de récolte de fonds pour nous permettre de payer des avocats, mais nous n’avons reçu aucune aide.

Notre seul espoir repose sur les avocats arméniens qui font tout leur possible.


Mon mari, c’est notre héros. Il manque énormément à ses enfants. Il me manque tous les jours. »





Le collectif LIBERTAS


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