Dans la prison où il est retenu en Azerbaïdjan, Haykaz Hovhannisyan est un homme fort et aimant ; entouré d’une famille nombreuse, il garde espoir.
Son frère, sa femme, son oncle nous racontent l’enfer auquel ils font face depuis sa capture.
Haykaz Hovhannisyan es né le 8 mai 1992, âgé de 28 ans lors de sa capture par les forces armées Azerbaïdjanaise, il laisse derrière lui une femme et deux enfants. Son fils lui ressemble, et sa fille, qui ne l’a pour ainsi dire pas connu, parle sans cesse de lui.
Chez cette famille unie et soudée contre le malheur qui la frappe, le souvenir et l’espoir sont le moteur quotidien, le nom du père retenu captif est constamment dans les conversations.
Flora, sa femme, nous raconte : «Lorsque la nuit tombe, il m’est impossible de fermer les yeux, je ne fais que penser à lui, enfermé entre 4 murs, est-ce qu’il dort ? Comment se sent-il ?». Elle revit le souvenir d’un accouchement précipité sans la présence de son mari pour accueillir leur second enfant. «Haykaz a pu revenir au bout de 20 jours pour enfin rencontrer notre petite fille. Il était recouvert du sang de ses amis et me disait qu’il ne pouvait pas tenir l’enfant dans ses bras dans cet état». Flora et son frère espéraient qu’il pourrait enfin rester auprès d’eux. Physiquement affaibli mais courageux dans l’âme, il a dû repartir avec l’espoir d’un retour proche.
Les membres de la famille de Haykaz Hovhannisyan furent les dernières personnes à communiquer avec le groupe des 62 soldats qui ont été emmenés. Le dernier appel, c’est son frère qui l’a passé à 18h30 le 13 décembre 2020. Quelques instants après, ils devinrent officiellement prisonniers de guerre de l’Azerbaïdjan.
De son frère aîné, il raconte que c’est un homme «qui fait les choses comme il faut». Il travaille la terre, met sa famille à l'abri du besoin, son absence se fait ressentir à chaque seconde. Son oncle décrit “l’enfer qu’ils vivent tous les jours” depuis 3 ans. Troublés par cette situation, dans l’incompréhension des raisons d’en être arrivés là, c’est avec des notes d’humour qu’il raconte que Haykaz apprend l’arménien aux Azéris qui le retiennent captif.
Dans de brefs échanges téléphoniques, quelques lettres, le tout placé sous très haute surveillance, il n’y pas de place pour des propos sur la réalité des deux côtés, juste des mots rassurants qui visent à remonter le moral des uns et des autres. «Tout le monde le sait, mais ça fait du bien» lâche le frère dans un soupir.
Après la capture de Haykaz, sa famille découvre la situation via une vidéo circulant sur les réseaux sociaux. Flora me montre les images de son mari avec d'autres soldats arméniens contraints et forcés de dire sous la menace des armes que «le Haut-Karabagh appartient à l’Azerbaïdjan». Les images sont lourdes, le son de sa voix résonne dans le silence de la pièce, les yeux de sa mère se remplissent.
Son frère reprend qu’à la découverte de ces images, leurs ressentis étaient confus. Ils étaient partagés entre la joie de le savoir en vie et le choc de cette nouvelle épreuve qui attendait Haykaz.
Il apprendra plus tard que la peine prononcée contre ce dernier est de 6 années.
Flora a fait parvenir à son mari des photos de ses enfants, ainsi, chaque matin, le prisonnier de guerre salue sa famille, parle avec eux, et leur souhaite une bonne nuit. Sa femme nous raconte que ce sont ces petites choses qui l’aident à tenir. Elle reprend à propos de son fils, Koryun : «Lorsque son père est parti, il portait l’habit militaire. Après son départ, mon fils courait serrer dans ses bras chaque militaire qu’il voyait pensant qu’il s’agissait de son père.».
Lorsque l’on demande à cette famille unie ce qu’on peut lui apporter comme soutien, elle ne veut rien. «Nous ne souhaitons rien d’autre que le retour de notre Haykaz. Ni argent, ni biens, ni quoique ce soit. Rien ne pourra combler ce vide. Nous voulons qu’il rentre.»
Patricia Tanielyan pour LIBERTAS
1er Octobre 2023